Les chantiers absorbent les uns après les autres les étangs pour que s’y posent des centres résidentiels, cassent et concassent d’anciennes villas et des immeubles de compartiments décrépits qu’on remplace par des constructions modernes. 

À ce rythme effréné, si l’on y prend garde, tout du Phnom Penh d’avant-guerre aura, d’ici une décennie, complètement disparu, tout comme l’aménagement de Koh Pich a annihilé toute trace de l’activité maraichère de l’île. 

 

Les réalisations architecturales de Vann Molyvann, le bâtisseur du Phnom Penh de l’indépendance, y survivront-elles ? 

 

Espérons-le car, outre leur fonctionnalité et leur beauté formelle, elles nous enseignent une grande leçon: on peut moderniser une ville sans renier son passé, on peut moderniser Phnom Penh sans faire disparaitre ses racines khmères. C’est ainsi qu’avec du béton, Vann Molyvann a réinterprété l’architecture khmère traditionnelle pour la transporter dans le futur et en faire vivre la mémoire.

 

Dans la rue 178, à deux pas du Palais royal et du Musée national, en face de l’Université royale des Beaux-Arts, fourmille le chantier de l’hôtel Hyatt Regency, lequel sur 14 étages proposera en 2020 250 chambres de grand standing.

 

Avant, sur ce même terrain se dressait au milieu du grand parc ombragé par des arbres centenaires une fière et coquette villa de style colonial, colorée de jaune blanc. C’était un morceau d’histoire à elle seule. 

 

À l’annonce de l’ouverture du chantier, beaucoup, fatalistes, s’étaient résignés à sa disparition. Mais ils avaient tort.

Au milieu du chantier en U, la villa est toujours là. Entourée d’échafaudages et coiffée d’un nouveau toit, on la restaure. Ce ne sera plus la même qu’avant mais elle apportera à l’hôtel un supplément d’âme, l’inscrivant de cette manière dans l’histoire de Phnom Penh.

 

La Confluence des 4 Bras inscrit Phnom Penh dans un paysage unique au monde. Mais son unicité tient aussi à une histoire écrite au fil du temps dans ses rues et ses avenues où se dressent ici et là immeubles et équipements emblématique d’une période. 

Les promoteurs peuvent dire : n’en gardons qu’un ou deux et cela suffira.

 

Il faut leur répondre : sans entraver la modernisation de la ville, gardons-en le maximum possible car ils portent en eux la promesse que Phnom Penh sera toujours Phnom Penh.​